La Libreria Piccolomini
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LA LIBRERIA PICCOLOMINI
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Il ne s'agit pas du Palazzo Piccolomini :
la Libreria est une annexe du Duomo, fondée en 1495 par le cardinal Francesco Piccolomini Todeschini, le futur PIE
III (qui régna 25 jours en 1503), pour conserver la bibliothèque de son oncle PIE II. La
famille siennoise Piccolomini fut aussi illustrée par des humanistes au
XVIè siècle, Alessandro et Francesco.
Les fresques
qui décorent cette grande salle rectangulaire et lumineuse, joie des
photographes et des amateurs de Renaissance, ont été réalisées
dans les années 1505-1505 par le Pinturicchio. Les photos sont de Fabrice Rousseau (sauf exceptions marquées *)
L'extrordinaire plafond de la bibliothèque
Qui était donc Pie II ?
Ces
fresques sont très colorées et pleines d'intérêt documentaire. Elles
narrent la vie du pape Pie II, alias Eneas Silvio Piccolomini
(1405-1464). Ce poète et humaniste (Enée !) entra dans les ordres en
1446 après avoir été au service, en Italie et hors d'Italie, d'un
poignée d'évêques, d'un antipape et d'un empereur. Devenu Pie II en
1458 il prêcha à Mantoue une croisade contre les Turcs. Sa ville
natale, non pas Sienne mais Corsignano, fut son son pontificat remaniée
en ville-modèle et rebaptisée : Pienza.
Revenons en 1431. À cette date, un cardinal le
prit comme secrétaire pour aller au concile de Bâle. Félix V lui donna le même
emploi. En 1442 il passa au service de l'empereur Frédéric qui l'envoya
ambassadeur à Rome, à Naples, à Milan, en Bohême. Le pape Eugène IV le
prit à son service. Nicolas V lui conféra l'évêché de Trieste puis
celui de Sienne. Calixte III en fit un cardinal. Puis le 14 août 1458
il fut élu pape dans un contexte religieux apaisé par la fin du Grand
Schisme d'Occident. Mais, dix ans après la prise de Constantinople par
les Turcs, il lança l'appel à une nouvelle croisade dont il voulait
prendre la tête. Il avait réuni pour cette expédition 50.000 écus d'or. Arrivé
à Ancône, atteint par une "fièvre", il y mourut le 14 août 1464.
L'Italie recevait à
cette époque de nombreux érudits venus de Grèce, fuyant les Turcs.
Lui-même, outre des ouvrages religieux, commit une "Histoire des
Bohémiens", des "Mémoires" et un roman en vers, Euryale et Lucrèce,
traduit et publié à Paris, vers 1500, par Octavien de Saint-Gelais et
caractérisé —paraît-il— par l'abus des allusions mythologiques.
Les fresques du Pinturicchio
Suite à un premier contrat avec le
cardinal Francesco Piccolomini, Bernardino di Betto dit le
"Pinturicchio", né à Pérouse en 1454, a conçu le décor du plafond en
1502 et ses élèves l'ont réalisé. Après la mort de Pie III en novembre
1503, un nouveau contrat fut conclu, avec un frère du défunt pape et le
Pinturicchio réalisa ainsi entre 1505 et 1507 les dix épisodes de ces fresques murales. Les fresques démarrent avec l'arrivée d'Énée Silvio Piccolomini
au concile de Bâle jusqu'au moment où, devenu Pie II, il reçoit au port
d'Ancône les galères des croisés.
Vue du côté gauche
1 - Le départ pour le concile de Bâle
Embauché comme
secrétaire du cardinal Domenico Capranica, qu'on reconnaît à la couleur
de sa tenue, Énée entame ici sa carrière diplomatique en allant
participer au concile de Bâle. On admire le cheval blanc du premier
plan qui porte notre héros. La scène se passe sans doute au petit port
de Talamone, au large on aperçoit l'île de Giglio.
2 - Enée Piccolomini et le concile de Bâle
Piccolomini est
chargé d'organiser le concile de Bâle, il se rend auprès de Jacques
Ier, roi d'Écosse, pour obtenir son soutien contre le roi de France
Charles VII. Pour le Pinturicchio, ce n'est pas un sujet folichon :
aussi le paysage arboré en arrière-plan est-il particulièrement soigné.
3 - Énée Piccolomoni est couronné poète par Frédéric III
À cette époque Énée Silvio Piccolomini est officiellement le légat de l'antipape Félix V auprès de l'empereur Frédéric III.
La scène est marquée
par l'opposition entre l'étrange palais vide à l'arrière-plan et
l'assistance de la cérémonie. On note les beaux pages du premier plan !
4 - Il fait acte de soumission à Eugène IV
L'empereur a
chargé Piccolomini de rétablir de bonnes relations entre l'Empire et le
Saint-Siège ; aussi la scène montre Piccolomini reçu par Eugène IV et
lui baisant les pieds. L'épisode n'est pas très intéressant du point de
vue esthétique ; l'image est alourdie par la perspective, notamment
avec cette espèce de plafond à caissons.
5 - La rencontre de Frédéric III et d'Éléonore d'Aragon
Jusqu'à présent,
dans ces fresques, on pouvait noter un lourd déficit d'images
féminines. En voici une relative compensation. Le mariage
princier a été préparé par Énée Piccolomini. La rencontre a lieu Porte
Camollia par où l'on arrivait à Sienne en venant de Florence. Le
peintre en fait le prétexte à
une "veduta" où l'on peut reconnaître le Duomo, avec sa tour et sa
coupole :
(*)
Au centre la colonne commémorative représente les armoiries des époux.
6 - Énée Piccolomini reçoit le chapeau de cardinal
Entre nous, il
l'a bien mérité ! On est en 1456, c'est le pape Calixte III qui est le successeur de Pierre. Dans cette
fresque, le fond à dominante foncée contribue à mettre en valeur les
nombreux personnages. Et, art subtil, le tableau dans le tableau ! Une
madonne entre deux saints.
7 - Énéo Piccolomini est couronné Pape sous le nom de Pie II
(*)
Le nouveau pape
est sous le baldaquin aux armes de la famille Piccolomini. La foule est
compacte. La scène doit se passer à la basilique du Latran.
8 - L'assemblée de Mantoue où Pie II prêche la croisade
La scène de
Mantoue est très intéressante : avec cette assemblée sous des arcades,
en vue d'un beau paysage, c'est presque une partie de campagne. On peut
admirer la diversité des attitudes des personnages présents. On ne
dirait pas que l'heure est grave car le Turc menace la chrétienté (des nuages dans le ciel aussi).
Au premier plan, les secrétaires chargés des documents administratifs constituent une remarquable série de têtes.
9 - La canonisation de Catherine de Sienne
La scène date du 29 juin 1461. On voit la dépouille de la sainte dont la maison natale est toujours visible à Sienne. Selon certaine légende, le personnage en bas à gauche serait Raphaël Sanzio...
10 - Pie II à Ancône pour le départ de la croisade
Selon les
spécialistes, le personnage agenouillé à gauche est le doge Cristoforo
Moro, en face de lui figure le prince de Samos, Hassan Zaccaria. À
droite, Calepino Bajazet, dit "il Turchetto", élégant otage du Pape.
Le
scène se tient donc à Ancône, qu'on voit au loin. Pie II y arrive le 18
juin, il tombe malade et meurt peu après, le 15 août 1464.
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Outre ces dix tableaux représentant "les faits les plus mémorables de la vie de Pie II", le Pinturicchio en fit un onzième, Le Couronnement de Pie III, situé à l'extérieur de la Libreria.
Le Pinturicchio mourut à Sienne le 11 décembre
1513. Il y avait réalisé son chef-d'œuvre, malgré l'absence de ces
beaux portraits féminins qui sont si souvent la base de la notoriété
des artistes du Cinquecento !
Pour compléter :