Les fresques religieuses de Florence
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FLORENCE
LES FRESQUES RELIGIEUSES
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La ville de Florence n'est pas à présenter ici. Il s'agit de regrouper des considérations sur les fresques accessibles au public, visibles dans quelques unes des nombreuses églises et des couvents florentins.
San Marco
Ce couvent du nord de la ville est connu pour abriter les fresques de Fra Angelico, ce moine dominicain qui y vécut au Quattrocento. Il y réalisa de multiples peintures sur bois exposées au rez-de-chaussée (Hospice). Du côté des fresques, c'est d'abord la grande CRUCIFIXION datant de 1442 dans la Salle du Chapitre (5,5 m x 9,5 m).
Plus étonnant est l'ensemble des fresques réalisées au premier étage avec d'abord, en haut de l'escalier, une grande ANNONCIATION (2,5 x 3m) d'où se dirigent les deux couloirs desservant les cellules.
Chacune des cellules est décorée d'une fresque illustrant la vie du Christ et quelques unes sont plus particulièrement intéressantes. Leur taille est en général de l'ordre de 1,5 m sur 1,8 m.
Dans la cellule n°7 : le Christ bafoué
La fresque de cette cellule montre au premier plan la Vierge et saint Dominique ; ils méditent sur le Christ trônant derrière eux, les yeux bandés. Il tient en main le sceptre et le globe qui symbolisent des pouvoirs que les gardes lui offrent par raillerie. Sur un fond vert irréel, le Christ est entouré d'autres symboles de la dérision, utilisés dans l'iconographie médiévale : ce sont des mains qui le giflent, et la tête d'un personnage qui crache sur lui.
Au bout d'un premier couloir se trouve la cellule où Cosme l'Ancien, le détenteur du pouvoir florentin, venait faire des retraites.
Et à l'opposé la cellule du prieur qui fut aussi celle de Fra Girolamo, c'est-à-dire de Savonarole, qui sur brûlé sur la place de la Seigneurie le 23 mai 1498.
Santa Croce
À l'est du centre-ville, précédée d'une place animée où se joue chaque année le "calcio" historique, Santa Croce, l'église des Franciscains, abrite les tombeaux de Florentins célèbres tels Michel-Ange ou Machiavel. Deux chapelles proches du chœur montrent les scènes de la vie de saint François par Giotto ainsi que de la vie de saint Jean-Baptiste. Une Assomption du même artiste voisine avec elles.
Chapelle Baroncelli : la Vie de la Vierge
Fresques de Taddeo Gaddi (1332-1338)
Toujours à Santa Croce, le "museo dell'Opera" (ex-Réfectoire) abrite, entre autres chefs-d'œuvre, l'Arbre de la Vie également de Taddeo Gaddi.
Taddeo Gaddi - L'abre de vie - Santa Croce
Santa Maria Novella
L'église est connue pour sa façade (restauration en cours en 2006). Dans la nef, le visiteur est accueilli par la Sainte Trinité de Masaccio (1425) célèbre par son effet de trompe-l'œil. Les chapelles du chœur sont ornées de plusieurs fresques.
Cette Trinité de 1425 ou 1526 a de particulier d'avoir été réalisée selon les nouvelles règles mathématiques de la perspective. Selon Vasari, cela donne l'impression que la voûte "troue le mur". L'autre choc, à l'époque- c'était que tous les personnages sont également humains.
La Vie de la Vierge
Les fresques de la chapelle Tornabuoni sont dues à Ghirlandaio. Elles ont été réalisées dans les années 1485-1490.
Le banquier Tornabuoni
La naissance de Marie
On considère que dans cette série de fresque de nombreux personnages figurent des membres de la famille Tornabuoni, notamment, ici, sa fille au premier rang du groupe de gauche.
La mariage de Marie
La Visitation
La Vie de saint Jean Baptiste
Les fresques sont également de Ghirlandaio. Voici la "naissance" avec en détail la servante qui vient offrir des fruits.
Naissance de saint Jean Baptiste
Juste à côté, la chapelle Filippo Strozzi est ornée de la Vie de saint Philippe et de la Vie de saint Jean l'Évangéliste par Filippino Lippi qui les acheva en 1502 ou 1503.
Santa Maria Novella abrite aussi, dans le cloître Vert, la chapelle des Espagnols connue pour les fresques d'Andra da Firenze (Bonaiuti)
Santa Maria del Carmine
Franchissons l'Arno. Ici, notre attention est attirée par la façade inachevée (comme à San Lorenzo) de Santa Maria del Carmine. Au XVIIIè siècle, l'église a été reconstruite dans le styme baroque, mais on conserva la chapelle Brancacci où ont œuvré Masalino et Masaccio. Leurs fresques relatant la vie de saint Pierre ont été peintes en 1425-1428. Leur commanditaire, Felice Brancacci fut exilé en 1435, déclaré rebelle, ce qui provoqua l'effacement d'une partie de leur travail. Puis, entre 1481 et 1485, Filippino Lippi, le fils de Fra Filippo, vint restaurer et compléter ces fresques. La restauration de cet ensemble a été sponsorisée par la société Olivetti.
Chapelle Brancacci - côté gauche - Photo Fabrice R.
Chapelle Brancacci - côté droit - photo Fabrice R.
Les sujets bibliques : Adam et Ève
Le thème du Paradis terrestre et du Paradis perdu appartient au cycle de fresques du Carmine. La Tentation d'Adam et Ève œuvre de Masolino est en haut du pilier droit. La fresque a perdu une trentaine de centimètres de haut avec les aménagements de l'église au XVIIIè siècle. Adam et Ève chassés du paradis terrestre est dû Masaccio et est situé sur le pilier d'en face. L'œuvre de Masolino est considérée comme relevant encore de l'influence du gothique international, Adam et Ève étant assez hiératiques et figés, mais d'une beauté remarquable.
Masolino - Adam et Ève et la Tentation
Celle de Masaccio serait plus moderne : elle montre avec force la conscience du péché, la perte de l'innocence, le poids de la honte. Le couple est expulsé par la porte du Paradis —une porte dont l'étroitesse est accetuée par la perspective— porte qui figure à gauche et d'où jaillissent des rayons solaires dont l'or n'a pas été restauré.
Saint Pierre et les premiers chrétiens
Les fresques de la Chapelle Brancacci exposent plusieurs scènes importantes de la vie de saint Pierre en s'appuyant sur les Évangiles et sur la "Légende Dorée".
Masaccio - Le paiement du Tribut
On a écrit que cette peinture de Masaccio, "tel un schisme, a provoqué une scissure dans l'histoire de la peinture italienne" (L.Berti). Datable de 1425, elle fut réalisée en 28 jours. Il y a une narration de la scène des Évangiles en trois temps.
1. Obéissant à la demande du gabeleur vu de dos, Jésus entouré des Apôtres, ordonne à Pierre de trouver une monnaie dans la bouche d'un poisson.
2. À gauche, Pierre, "dans sa stentative de retirer l'argent du ventre du poisson, a le visage en feu à force d'être courbé" (Vasari).
3. À droite, Pierre paie le tribut c'est-à-dire l'impôt pour le Temple au receveur romain.
Masolino - Le sermon de saint Pierre
Dans cette œuvre, on note le geste solennel du saint et l'attitude de l'assistance, très attentive. Au premier plan à droite, un Carme presque surdimensionné.
Masaccio - Le baptême des néophytes
Masaccio - La Guérison de l'infirme et la Résurrection de Tabita
Masaccio et Filippino Lippi
La Résurrection du fils de Théophile et - à droite - Saint Pierre assis en chaire.
Observons les trois personnages à l'extrémité droite de la scène. Masaccio s'est représenté, le regard tourné vers nous, avec à sa droite, Masolino, plus petit, et derrière Leon Battista Alberti et Brunelleschi.
Masaccio - Saint Pierre guérit les malades avec son ombre
Je suis fasciné par cette œuvre qui dans la chapelle Brancacci est coincée entre l'angle du mur et un autel moderne. Je ne suis pas le seul. Victor Stoichita a consacré plusieurs pages à l'expliquer («Brève histoire de l'ombre», Droz, Genève, 2000. Pages 54 et suivantes). Le premier est déjà debout et rend grâce au saint. Le second se relève. Le troisième est encore à terre, infirme, la jambe droite atrophiée. Leurs regards convergent vers Pierre. Ni Pierre ni Jean ne les regardent. La scène est conçue d'une manière très vivante : c'est l'effet produit par la marche des apôtres dans cette rue tracée en oblique sous nos yeux ; ils viennent vers nous. On peut y voir le triomphe du réalisme du Quattrocento.
Masaccio - La distribution des biens et la mort d'Anania
L'épisode est tité des Actes des Apôtres. Saint Pierre et saint Jean faisaient la charité, distribuant des biens aux premiers chrétiens qui vivaient en communauté d'hommes pauvres et égaux, où l'on proscrivait l'accumulation personnelle de biens et l'enrichissement de l'individu. Alors pourquoi cette scène? Anania a menti au sujet du prix de vente de ses terres et en a conservé une partie. Le mensonge fait qu'il tombe foudroyé aux pieds de saint Pierre. Sa femme Saffira (Saphir) tient leur enfant dans ses bras et écoute saint Pierre.
Filippino Lippi - Paul rend visite à Pierre en prison
Filipino Lippi - L'Ange libère saint Pierre de sa prison
Filippino LIPPI - À droite : Saint Pierre et le Mage Simon devant Néron
À gauche : le Martyre de saint Pierre
Dans la partie de droite, on voit une statuette tombée à terre. Dans la "Légende Dorée" Jacques de Voragine expose de manière détaillée l'histoire du mage Simon (édition Points poche "sagesse", pages 312-318). En voici un extrait où il est question de statue :
« Cependant le magicien Simon était si aimé de Néron qu'on savait qu'il tenait entre ses mains les destinées de la ville entière. Un jour, comme il se trouvait en présence de Néron, il avait su changer son visage de telle sorte que tantôt il paraissait un vieillard, et tantôt un adolescent : ce que voyant, Néron avait cru qu'il était vraiment le fils de Dieu. Un autre jour, le magicien dit à l'empereur : « Pour te convaincre que je suis le fils de Dieu, fais-moi trancher la tête; et, le troisième jour, je ressusciterai!» Néron ordonna à son bourreau de lui trancher la tête. Mais Simon, par un artifice magique, fit en sorte que le bourreau, croyant le décapiter, décapita un bélier; après quoi, il cacha les membres du bélier, laissa sur le pavé les traces de sang et se cacha lui-même pendant trois jours. Le troisième jour il comparut devant Néron et lui dit : « Fais effacer les traces de mon sang sur le pavé, car voici que je suis ressuscité, comme je te l'ai promis!» Et Néron ne douta plus de sa divinité. Un autre jour encore, pendant que Simon était auprès de Néron dans un chambre, un diable qui avait revêtu sa figura parla au peuple sur le Forum. Enfin il sut inspirer aux Romains un tel respect qu'ils lui élevèrent une statue, sur laquelle fut placée l'inscription : « Au saint dieu Simon.» Or Pierre et Paul, s'étant introduits auprès de Néron, dévoilaient tous les maléfices du magicien; et Pierre, notamment, disait que, de même qu'il y a dans le Christ deux substances, la divine et l'humaine, de même il avait en Simon deux substances, à savoir l'humaine et la diabolique.»
À gauche, le martyre de saint Pierre, supplice de la croix en sa qualité d'étranger, alors qu'à la même époque Paul qui était citoyen romain fut condamné à avoir la tête coupée.